Canton
Jeudi 1er février, je suis partie à Canton dans un trajet organisé par Anne-Christine Martin, avec d'autres personnes. Nous sommes partis en train de Hong Kong à 8h15, et sommes arrivés deux heures plus tard (120km de distance, à l'ouest de HK). Canton ou Guangzhou (anciennement Panyu), est la ville principale de la province du Guangdong, au sud de la chine, à l'embouchure de la rivière des perles. Cumulant 2400km, la rivière des perles est le 3e fleuve le plus long de Chine, après le fleuve Yangtze et le fleuve jaune. Elle fait partie du delta de la rivière des perles, d'où sont parties la plupart des diasporas chinoises dans le monde (Amériques, Europe, etc.).
La tradition veut que la sécheresse sévissait dans la région quand soudain un air musical et des nuages sont apparus, venus de la mer de Chine méridionale. Cinq dieux, montés sur cinq chèvres ont alors donné aux habitants du blé puis sont partis, en laissant les chèvres. Le blé a éte semé, terminant la disette : depuis lors, plus de famine, et les vents sont cléments : d'où le surnom de la ville "aux cinq chèvres''.
https://www.chinahighlights.com/guangzhou/map.htm
Une fois sur place, nous avons pris le métro pour aller directement sur l'île de Shamian ("surface de sable"), qui avait été répartie entre les Britanniques et les Français (1/5 et 4/5 respectivement).
Canton en 1860 par le Rev D. Vrooman
Ce n'était pourtant pas dans cet endroit que se situaient les 13 comptoirs des étrangers (un pour chaque pays) de canton, plus à l'est (au sud de la forteresse). D'après ce que j'ai pu lire ici et là, il faut s'imaginer la vieille ville au nord, la ville nouvelle au sud; des maisons de deux ou trois étages et la tour de guet de 5 étages, puis, au loin, des drapeaux de différentes nationalités, groupés ensemble mais en-dehors de l'enceinte de la ville. Ces comptoirs (factoreries comme il était d'usage de les appeler à l'epoque) étaient nécessaires au commerce, car les marchandises étaient chargées sur de gros bateaux venant d'Europe, mais qui ne pouvaient pas passer dans la rivière, du fait d'un trop fort tirant d'eau. Les marchandises étaient donc embarquées et débarquées à Macao, détenu par les Portugais, et changeaient de bateau pour voguer vers Canton. Autrefois limité à Macao, avant l'arrivée des Portugais, le seul port de Chine autorisé aux marchands étrangers (essentiellement Européens) était celui de Canton, durant le 18e siècle.
Les comptoirs, reconnaissables aux drapeaux (Hong Kong Museum of Art)
Ces comptoirs d'échange faisaient aussi office d'entrepôts, d'appartements.. Pour écouler leur marchandises et réaliser leurs achats les marchands étrangers, interdits d'entrée dans la ville, utilisaient les services d'une guilde spéciale Chinoise, les Co-hong, qui prenaient une commission au passage ; les taxes recupérées revenaient en revanche à l'Empire. Les séjours dans Canton étaient longs, puisque la navigation était rythmée par les courants de la mousson, arrivant l'été et repartant en fin d'hiver vers Macao.
Ces comptoirs furent endommagés une première fois par un incendie, puis détruits lors des deux guerres de l'Opium, notamment lors des batailles de Canton en 1841 et 1857.
Sur l'île de Shamian, où la circulation etait faible, nous nous sommes baladés dans les deux parties, britannique et française, nous avons vu les jardins mais aussi les bâtiments qui abritaient des ambassades, le bureau de poste français dont le nom reste toujours sur le fronton. Y compris les églises, dont une paroisse catholique. D'après Ludovic de Beauvoir, il y avait au XIXe siècle beaucoup de nouveaux-nés empoisonnés, abandonnés, dans les rues, recueillis par les religieux, avec déjà une plus forte proportion de filles par rapport aux garçons parmi ces enfants.
Eglise catholique de Canton, sur Shamian
Des batiments dans le quartier britannique
et des statues qui visiblement reflètent la bonne entente sino-britannique
La poste francaise en carte postale
Encore une statue représentant la coexistence des mondes britannique (c'est une boite aux lettres anglaise, avec la couronne du Royal Mail) et chinois
Nous avons retraversé le canal qui sépare l'ile de la ville-même de Canton, mais il etait plutôt asséché. Nous avons emprunté une rue où officiaient essentiellement des vendeurs de produits de guerison, etc... Pas toujours très ragoûtant, mais nous sommes passés vite devant certaines enseignes...
Et puis ce qui m'a frappée, c'est le nombre de vélos, bien plus nombreux qu'à Hong Kong. Il faut dire que la topologie de l'île de Hong Kong ne s'y prête pas (beaucoup de pentes), le nombre de voitures en circulation non plus (c'est dangeureux !). Dans le métro, j'ai aussi remarqué que nous étions plus grands que beaucoup de Cantonais... ce qui est moins net à Hong Kong.
la dame range soigneusement ses insectes
hum... je doute encore un peu sur la nature de cet insecte
La rue ne comporte que des échoppes vendant des insectes, végétaux secs (champignons), etc
Apres cette viree exotique, nous avons soudainement debouche sur une artère tres commercante, la rue piétonne Shangxiajiu, avec des commerçants qui criaient, ou qui tapaient avec de multiples instruments, pour apâter le chaland (sauf nous).
Une ancienne salle d'opera reconvertie en cinéma
Des mosaiques retracant l'histoire de la ville sont présentes dans cette grande rue
Après quoi, nous avons continué notre balade pour arriver au musée Liwan, une maison typique de l'ancien quartier résidentiel appelé Xiguan. Cette maison (dawu), bâtie à la fin de la dynastie Qing par un riche particulier, s'établit sur plusieurs étages, est très aérée ; on peut y voir des bureaux, des chambres, etc. La maison est construite en briques grises (contrairement aux bâtiments britanniques, construits en briques rouges). Les entrées sont décorées et les portes comportent trois éléments qui se juxtaposent : une première double porte sur la partie basse (porte de saloon), une porte faite de montants en bois horizontaux (tanglong) et enfin une porte "normale", en bois aussi.
Voila la porte et ses trois composantes (les deux battants de la porte principales, les barres horizontales et la demi-porte)
En sortant, nous sommes passés par un parc où se deroulait une représentation de chants ; malheureusement les musiciens étaient protégés du froid par de grandes bâches autour d'eux, donc nous ne les voyions presque pas.
Déjeuner dans un restaurant de dim-sums (nous restons au sud de la Chine !) avant de terminer par la majestueuse maison des ancêtres du clan Chen. Ayant survécu grâce à la création d'une imprimerie (qui publiait les textes de Mao), le site est immense, avec plusieurs bâtiments, halls et cours et faisait un peu penser au temple Dalongdong Baoan de Taipei. Le temple fut terminé en 1894 pour honorer leurs ancêtres et loger les étudiants du clan qui devaient se préparer aux examens impériaux (dans le but ultime de devenir un Mandarin). Dans ce complexe, sont aussi présent des objets représentant la vie et les coutumes chinoises.
Sur les toits, des scènes de mythologies sont repr'sentées avec beaucoup de détails et de couleurs
le paravent sculpté, dans l'entrée du temple
Détail du paravent, qui montre deux cercles imbriqués...ressemblant à notre chiffre 8 (8 se prononce "ba" en chinois, proche de "fa", chance)
De petites sculptures de plâtre, vernissées
les couloirs entre deux cours...
Les magnifiques scènes sculptées dans la brique
Détail montrant la légende d'un seigneur domptant un cheval
Nous avons pu voir le mur où étaient auparavant disposées les tablettes servant à commémorer les ancêtres, un mur immense, avec 21 étagères étroites pour ces tablettes. Il est vide de nos jours, puisque les tablettes parfois vieilles de 4000 ans ont été jetées au feu pendant la période de la révolution culturelle, et on ne peut pas prendre de photos. Au dessus de ces étagères, des sculptures de bois montraient des animaux (chauve-souris), des éléments de végétation (la pêche, le pin, les chrysantèmes..., que l'on retrouvait aussi sur le toit du temple à l'entrée).
Les 4 trésors du lettré (4 treasures of the study): le pinceau, le bâton d'encre, le papier et la pierre à encre
Un lit avec des oreillers... en porcelaine
Le mur vide des tablettes des ancêtres
les sculptures au dessus des rangées de tablettes
Retour par le train pour Hong Kong... avec un bref aperçu de Shenzhen de nuit !