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Camille & Clément
1 mars 2009

Prison break (Aymeric prend la plume)

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Jacques Chirac sautant un tourniquet du metro en 1980

L'arrestation

Vendredi soir, en revenant d'une fete de depart d'un de mes collegues a East Village, apres une marche de quelques 'blocks' je rentre dans la station '14th street' de la 6e avenue. Je valide mon "pass" illimite au tourniquet mais, apres un petit periple au sein de la station, ne trouve pas l'acces a la ligne de metro que je cherche, bien qu'indiquee comme etant desservie a l'entree.

Il est environ 1h du matin et, plutot que d'errer desesperement dans les couloirs, je decide de ressortir pour prendre le metro par l'acces de la 7e avenue. Au moment ou je glisse mon pass, le tourniquet se bloque et m'affiche : 'just used'. Comprenez : je viens de valider mon billet dans la meme station donc je ne peux pas re-rentrer (pas tres logique mais bon...). Voyant le metro arriver, je decide de sauter au-dessus du tourniquet pour ne pas attendre au moins 20 mins le suivant.

Et la les ennuis commencent : la police m'interpelle. Je manque de me casser la figure en faisant volte face dans les escaliers pour obtemperer. Le metro part pendant qu'ils m'expliquent que je suis en infraction et verifient mon identite (mauvais point : j'ai une carte d'identite francaise...). J'essaie de leur expliquer la situation, en repassant ma carte pour qu'ils voient le 'just used' qui atteste de ma bonne foi. Il ne m'ecoutent meme pas et me disent que je n'avais qu'a voir avec le chef de station. Je ressors et me dirige audit stand, escorte de pres, et demande au chef de station de verifier ma carte : 'non, vous n'aviez qu'a y penser avant'. Ce a quoi les policiers surencherissent : 'get out of here'.

Las,  je sors 20 dollars en disant que tant pis,  je vais racheter une metrocard. Je ne suis pas a 2 dollars pres. Et c'est la que tout s'emballe. Les policiers m'alpaguent et me jettent brutalement en dehors de la station ! Passablement choque, je reviens en leur disant qu'ils n'ont pas le droit (je suis dans un lieu public) de se comporter de cette maniere, que je vais acheter une nouvelle metrocard et prendre le prochain train comme prevu, tout en leur demandant leur nom (pour le cas echeant porter plainte pour mollestage).

Erreur fatale : ils se jetent sur moi et me menotent les deux mains derriere le dos, non sans m'avoir plaque contre un mur. Ce faisant ils croient bon de rajouter "tu vas voir que les regles ici sont differentes que dans ton pays, tu vas faire 3 jours de taule ca va te calmer" - ca situe le niveau. Fouille etc. Je les entends appeler une voiture pour 'venir chercher un forcene'. A ce moment-la j'ai du mal a realiser ce qui m'arrive mais prends la decision de ne plus rien dire : ils seraient encore capables de me tabasser...

La voiture arrive et ils me jetent dedans. Palabres entre les officiers, l'un des nouveaux venus me demande ma version : j'explique posement, avec la croyance que ce malentendu va se regler... et 5 minutes plus tard nous sommes en route pour le poste a la station de Canal Street !

Au poste de police

Je me retrouve dans une cellule d'attente en compagnie d'un clodo lambda. Le policier qui m'a molleste remplit mon dossier, apres m'avoir pris ma ceinture et mes lacets (!). Je demande de l'eau : c'est 1  dollar (pour une demi-bouteille cependant). Il est environ 2h30 du matin.Vers 3h il me sort de la cellule (apres m'avoir confisque mon telephone) et prend photos et empreintes. Je me montre tout ce qu'il y a de plus cooperatif. Derniere tentative pour calmer le jeu. Non decidement je suis tombe sur une perle...

On m'autorise a passer un coup de fil. J'informe rapidement Ariane de la situation et lui donne les coordonnees du poste de police, ainsi que l'adresse du centre de detention ou je vais etre envoye d'ici une heure (80/100 Centre st. a cote de Chinatown pour ceux que ca interesse) -en fait j'apprends que je vais etre au centre de detention alors que je suis en ligne avec Ariane. Dur de faire front.

Retour a la cellule. On m'apprend qu'Ariane est arrivee mais que je ne peux pas la voir. Ils l'ont renvoyee en me racontant que le message qu'elle m'a laisse est 'she loves you much' - faux, evidemment. Apres m'avoir demande si je suis un traitement medical -j'explique ma situation sans compassion aucune de leur part, on me remet les menotes et voiture en direction de la prison. Il doit etre environ 6h du matin.

L'entree a la prison

Apres un passage de plusieurs postes de securite, je me retrouve avec mon cher policier dans un couloir glauque (carrelage vert et marron, eclairage au neon) peuple de cafards. Une trentaine de delinquants sont dans la queue avant moi, la plupart enchaines en bande de 4 ou 5 (ce qui est mieux car au moins ca laisse une main de libre). Attente environ 1h pour etre enregistre et pris en photo. Je suis epuise ; les menottes me blessent au revers des mains, mes bras et epaules s'engourdissent.

Visite rapide du medecin. Le policier m'a prevenu : "si tu veux revoir ta femme et tes enfants rapidement, tu as interet a repondre 'non' a toutes les questions". Etant totalement soumis a son bon vouloir (c'est lui qui remplit les papiers, plus ou moins rapidement), je m'execute : "etes-vous atteint d'une maladie chronique ? -non. Prenez-vous des medicaments ? -non." etc.

Nous partons pour un autre couloir crasseux : celui qui mene au 'Correction Department'. 2 heures d'attente : les gardiens ont decide de prendre une pause ! Je suis allonge par terre, comme les autres prisonniers, avec pour maigre consolation de voir mon torsionnaire etre oblige de rester debout et lutter contre le sommeil. On m'a enleve les menottes. Enfin, il est 7h, le policier me transmet a un geolier.

En cellule

J'entre dans une zone toujours souterraine avec 5/6 cellules qui entourent un poste de controle avec quelques matons. On m'envoie dans la cellule du fond. Nous sommes 30 dans une piece d'environ 15 m2, entoures de bancs en metal. Je suis parmis les derniers arrives : ma place est par terre, au milieu des dechets de nourriture et autres reliquats en tout genre. Je suis tellement fatigue que j'y fais a peine attention et essaie de me positionner au mieux au milieu de ce tas humain pour dormir un peu.

Au "reveil" (j'ai seulement somnole une petite heure) j'analyse mon nouveau cadre de vie : la piece est vraiment repugnante, avec des strates de crasse sous les bancs. Il y a une petite estrade 'toilettes' avec deux petits pans d'un metre de haut pour symboliser une separation. Vomi seche par terre, cuvette metallique repugnante, pas de papier toilette evidemment. Un petit evier a cote qui crache de l'eau tiede que je ne boirais meme pas si j'etais au tiers-monde (enfin j'ai bien du m'y resigner car c'est la seule maniere de s'hydrater entre les distributions toutes les 8 heures). Pas de climatisation (il fait chaud pourtant) mais d'enormes ventilateurs qui font un boucan du diable et me vaudront une bronchite.

La population est a 95% noire ou hispanique. Je suis le seul blanc, habille a peu pres correctement. La mode 'delinquant' ici est plutot jeans taille basse, calecon Calvin Klein (avec le jeans taille basse on le voit forcement), T-shirt sombre avec des insanites ecrites dessus, casquette ou bandana obligatoire. Ce sont essentiellement des petits dealers ou autres petits delinquants qui en sont en moyenne a leur cinquieme passage en ces lieux. Forcement ils sont rodes et paradoxalement l'ambiance est assez detendue : pas de rixe. On se raconte ses histoires : la derniere fois qu'on s'est battu avec la police, les meilleurs coins pour trouver de la coke etc.

A partir de 9h certains quittent la cellule pour comparaitre devant le juge (je me suis renseigne aupres de mes nouveaux amis et on m'a dit qu'ils fallait compter environ 24h - j'ai encore l'espoir a cet instant que dans mon cas cela sera plus court). J'en profite pour recuperer une place sur le banc et appeler Ariane pour la rassurer (facon de parler) et lui demander de contacter le Consulat pour me faire sortir au plus vite. Nous sommes censes avoir un telephone gratuit mais comme par hasard il est HS et les detenus doivent se rabattrent sur le telephone payant qui fonctionne a coup de piece de 25cts les 4 mins. Je me depeche de changer 1 dollar contre 4 pieces avec un de mes 'camarades'. Bien m'en a pris. Le cours va monter drastiquement au cours des prochaines heures pour atteindre 1 dollar la piece.
Je recois mon premier verre d'eau vers 11h, avec un sandwich au 'peanut butter' qui donne envie de vomir.

Nouvel arrivage, et la pas de chance, un clochard absolument repugant nous est assignes. Plus proche de l'animal que de l'homme. Habits ressemblant a des serpilleres usagees (ca a la rigueur...), pieds dignes d'un lepreux qui degagent une odeur insupportable qui remplit rapidement toute la piece et amene certains a vomir (j'ai ete surpris par ma capacite a supporter cela) dans la poubelle, poubelle qu'il ira visiter regulierement pour recuperer les reliquats de nourriture (pourtant il y a toute une pile de sandwichs au peanut butter qui traine, mais il faut croire que c'est l'instinct animal). Cerise sur le gateau : il ira plusieurs fois faire la grosse commission en remettant ce qui lui fait office de pantalon sans s'essuyer (evidemment il n'a demande a personne du papier...), et quand il s'allonge par terre son pantalon descend et nous montre les reliquats. J'ai encore des haut-de-coeurs en ecrivant ces lignes. Evidemment il refuse d'aller voir le juge, il est tellement bien au chaud dans la cellule...

Et ce sera comme cela pendant environ 24h. Nouveaux entrants (certains arrivant a faire passer des joints ou cigarettes dont la bouffee se moyenne autour de 5 dollars) quand les premiers arrives partent pour passer devant le juge (enfin pas vraiment - voir plus bas). Repas spartiates (sandwich au peanut butter ou fromage, mini-brique de lait avec eventuellement des cereales -s'il en reste). La seule chose que j'ai pu manger avec un relatif plaisir a ete une pomme distribuee vers 4h le dimanche  matin.

En attendant je n'ai pas de lecture, pas de conversation. J'attends en essayant de trouver une position pour dormir que je ne trouverai jamais. Je rappelle Ariane pour savoir si le Consulat a fait quelque chose. En particulier je m'inquiete pour ma piqure que je n'ai toujours pas prise. Le Consulat ne peut rien tant que je n'ai pas vu le juge. Deprime. D'autant que j'avais bon espoir de passer pour la derniere seance le samedi soir a 1h du matin... pas de chance ca sera pour la premiere seance le dimanche.

En attendant le juge

Vers 7h45 le dimanche matin, je suis enfin appele avec une cinquantaine d'autres detenus. Je sais que le tribunal ouvre a 9h30 donc je ne me fais d'illusion : je vais effectivement etre envoye dans une autre cellule a l'etage, un peu plus propre (facon de parler) et avec une trace de lumiere du jour au travers de fenetres opaques cote couloir, mais avec des bancs encore plus petits. Petit dejeuner au peanut butter : je passe, et me contente du lait pour m'hydrater.

Vers 9h je vois un commis d'office : la quarantaine, cheveux longs pendant de ca et la d'une tonsure, pas tres propre sur lui et ne respire pas la grande intelligence. Je m'installe dans le petit box au sein de la cellule et lui raconte mon histoire en 30 sec, apres avoir redonne mon etat civil pour la enieme fois. Reponse : j'ai un travail donc j'ai les moyens de payer un avocat. Je passerai donc devant le juge pour un renvoi, a priori dans 2 heures. J'utilise mon dernier 'quarter' pour informer Ariane.

Je passe les 3 heures qui suivent a ecouter un dealer (un vrai caid celui-la) expliquer qu'il a essaye de poignarder sa 'roommate' avec un sabre medieval a l'occasion d'une dispute mais qu'in fine il a casse ledit sabre sur la table. Il est confiant pour sortir, et d'apres ce que j'ai compris, a effectivement ete remis en liberte. No comment. A noter que la longueur des casiers s'est allongee lors du transfert de cellule.

Enfin vers 12h30 je suis appele pour passer devant le juge. Premiere salle propre que je vois depuis 36 heures. Apparemment on me reproche seulement le tourniquet et pas la resistance a agent, ce qui avait ete le pretexte initial a mon arrestation. 2 minutes plus tard je sors avec un papier qui confirme mon renvoi au 2 avril. Le commis me donne ses coordonnees et je rentre enfin chez moi retrouver ma famille, apres etre passe recuperer mon portable au poste de police...

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